Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

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Ambassadeur Peter W. Galbraith



L’Ambassadeur Peter Woodard Galbraith
était un conseiller de haut rang au Comité des relations étrangères du Sénat américain de 1979 à 1993, et Ambassadeur des États-Unis en Croatie de 1993 à 1998.

L’Ambassadeur Peter Galbraith explique pourquoi, selon lui, Slobodan Milošević avait une influence décisive sur le pouvoir serbe de Croatie qui contrôlait de vastes portions du territoire de Croatie orientale  appelé « Krajina »:

« … apparemment à mes yeux comme d'ailleurs aux yeux de tous les autres médiateurs internationaux, l'accusé était la pièce centrale de tout règlement de paix. Il était manifeste que les dirigeants de la Krajina serbe ne prendraient aucune décision importante eu égard à un accord de paix sans l'accord de l'accusé. Il était manifeste qu'il le consultait régulièrement et certains dirigeants avec lesquels j'ai négocié, je veux parler de Milan Babić et Milan Milanović, me disaient qu'ils consultaient régulièrement l'accusé. »


L’Ambassadeur Galbraith décrit une réunion qu’il avait eu avec le dirigeant des Serbes de Croatie,  Milan Babić, le 2 août 1995, au cours de  laquelle il avait discuté avec lui de propositions d’un accord de paix avec la Croatie, afin d’éviter l’offensive croate  imminente à l’encontre des territoires contrôlés par les Serbes. L’offensive, nommée « Opération Tempête », a commencé quelques jours plus tard et a fait plus de 150,000 réfugiés serbes: 

« Puis il s'est posé la question de savoir ce qu'on pouvait vendre pour ainsi dire aux dirigeants de Knin,  ce qu'on pouvait faire passer. [Milan Babić] a répondu ceci : "Mon parti a la majorité à l'assemblée, je pourrais les gagner à ma cause." Mais ce qui se posait s'était de savoir si Milan Martić [qui était alors Président de ce que l'on appelait la "République serbe de Krajina] allait être d'accord lui aussi. Et il a dit "une seule phrase de Milošević et nous pourrons boucler l'accord pour Knin." »
Q. Il avait tout à fait raison à ce propos, n'est-ce pas ? Et est-ce que la séquence des événements l'a prouvé ?
R. Tout à fait. A mon avis, on aurait pu éviter la guerre. Et 180 000 Serbes ne seraient pas devenus des réfugiés.»

L’Ambassadeur Galbraith décrit sa conversation avec Slobodan Milošević le 1er novembre 1995, à Dayton, en Ohio, au début des négociations pour mettre un terme à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Trouver un accord concernant la partie orientale de la Croatie, la Slavonie orientale, était la priorité des négociations de Dayton. Slobodan Milošević et le Président croate Franjo Tudjman venaient de s’entendre pour envoyer en Slavonie orientale l’Ambassadeur Galbraith et l'Ambassadeur norvégien Thorvald Stoltenberg, qui était alors Vice-président de la Conférence  internationale sur l'ex-Yougoslavie, pour qu'ils parviennent à un accord. Peter Galbraith raconte ce que Milošević lui a dit ensuite au cours d'une conversation privée:

« [Slobodan Milošević] m'a dit que je n'arriverais à rien si je repartais en Slavonie orientale dans cette mission de médiation, même si lui-même et Tudjman nous avaient demandé, à M. Stoltenberg et à moi-même, de repartir en Slavonie orientale et m’avait dit que je ferais mieux de prendre des vacances à Dubrovnik.
Q. Comment avez-vous compris ce qu'il disait ? A votre avis, qu'est-ce que ceci révélait ?
R. Pour moi, cela voulait dire qu'un règlement de la question de la Slavonie orientale ne serait pas résolu par ces efforts diplomatiques, par les Serbes à Erdut [la base des serbes de Croatie en Slavonie orientale], mais que la décision serait prise à Dayton quand le moment conviendrait à Milošević  et lui permettrait d’atteindre ses objectifs. »

Peter Galbraith a apporté un témoignage qui corroborait fortement l’allégation selon laquelle  Slobodan Milošević contrôlait le pouvoir des Serbes de Croatie. Après une période de l’année 1991 au cours de laquelle, selon l’Accusation, les forces sous les ordres de Slobodan Milošević commettaient de nombreux crimes dans toute la partie orientale de la Croatie appelée «Krajina», les Serbes de Croatie ont pris le contrôle de cette portion du territoire, que le gouvernement croate voulait reprendre. Afin d'éviter une confrontation militaire, les représentants de la communauté internationale, dont l'Ambassadeur Galbraith, ont tenté de négocier un accord de paix entre le gouvernement croate et la partie serbe représentée par Milošević et ses mandataires serbes de Croatie, notamment Goran Hadžić, mis en accusation par le Tribunal, et  Milan Babić et Milan Martić , tous deux condamnés par le TPIY.

Le témoignage de l’Ambassadeur Galbraith a montré que l’approbation de Slobodan Milošević était essentielle pour conclure un accord de paix. L'Ambassadeur a parlé d'une réunion avec des dirigeants serbes de Croatie à laquelle il avait participé le 30 janvier 1995, dans la perspective d’un accord de paix, nommé le « plan Z-4 », qui prévoyait que les Serbes restituent la moitié du territoire sous leur contrôle- et abandonnent l’espoir d’etre indépendant ou rattaché à la Serbie- en échange d’une autonomie substantielle. « Nous avons essayé de leur remettre le plan  et il [le Président serbe Milan Martić] a refusé de le recevoir. Il ne voulait même pas toucher le document» a  déclaré Galbraith. L’Ambassadeur Galbraith a apporté d’autres éléments de preuve indiquant, comme il apparaît dans  les passages cités précédemment, que les dirigeants serbes de Croatie ne pouvaient se passer du feu vert de Milošević. 

Après s’être plaint directement auprès du Président  Franjo Tudjman , le 10 août 1995, de ce dont il était informé au sujet de ces violations, l’Ambassadeur Galbraith s’est joint à un convoi de réfugiés serbes. L’un d’entre eux, accompagné de sa femme et de ses deux enfants, l’a invité à monter sur son tracteur. « J'avais vu une foule qui s'était rassemblée, qui criait des insultes à l'intention de ces gens » a raconté Galbraith, «  et à 10 mètres de là il y avait des policiers croates…mais il n'y a pas eu d'incidents » (Le Tribunal a par la suite établi un acte d’accusation contre trois des commandants de la police et de l’armée, issus des plus hauts rangs et ayant survécu aux conflits, les poursuivant pour crimes perpétrés contre les Serbes. Parmi eux se trouvait  le défunt Président croate Franjo Tudjman, cité en tant que coauteur.)

L’Ambassadeur Galbraith a également témoigné à  propos d’un rapport dont il était l’auteur, au sujet du nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine. Ce rapport se basait sur quatre de ses visites en ex-Yougoslavie, en 1991 et 1992, au cours desquelles il avait interrogé des vingtaines de réfugiés qui avaient été témoins des atrocités commises en Bosnie-Herzégovine ou qui y avaient survécu. Ce rapport concluait que la Serbie et le Monténégro étaient conjointement responsables des meurtres qui étaient perpétrés en Bosnie. Galbraith avait écrit, de façon prophétique, que ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine augurait d’autres crimes: « Compte tenu du succès rapporté par la Serbie comme vous le dites, dans ses opérations de nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, la même politique est envisagée dans d'autres zones sous contrôle serbe notamment, au Kosovo et en Voïvodine. Des signes indiquent déjà que la Serbie envisage d'agir ainsi et peut se lancer dans ce genre d'opération.»

Lorsqu’il exerçait comme conseiller du Comité des affaires étrangères pour le Sénat américain, entre 1979 et 1993, l’Ambassadeur Peter Galbraith a rédigé de nombreux rapports, dont un sur le nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine. Galbraith a été le premier ambassadeur des Etats-Unis de la république indépendante de Croatie, fonction qu’il a occupé de 1993 à 1998. Il a poursuivi sa carrière en exerçant à l’Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental.

Lire le témoignage complet de l’Ambassadeur Peter Galbraith du 25 juin 2003 et du 26 juin 2003.