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Paddy Ashdown

Jeremy John Durham Ashdown, connu sous le nom de Paddy Ashdown, personnalité politique britannique de premier plan, était envoyé du gouvernement britannique pendant la crise du Kosovo de 1998 et 1999.

Paddy Ashdown rapporte ce qu’il a dit à Slobodan Milošević sur les crimes dont il avait été le témoin au Kosovo lors de leur  rencontre du  29 septembre 1998:

« Monsieur le Président, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et je vous remercie de m'avoir permis de venir dans votre pays. Cependant, j'ai des paroles assez sévères à votre encontre au sujet de ce que j'ai vu, mais j'aime le peuple serbe et je ne pense pas que l'on puisse condamner une nation entière. Je dois cependant vous dire que la communauté internationale prendra des mesures si vous ne vous arrêtez pas. A mon avis, vous êtes en train de  mettre en oeuvre une politique qui ne mène à rien et vous allez entraîner… A cause de vos actes, le nom du peuple serbe va être traîné dans la boue. Je vous enjoins à mettre un terme à ces actions qui salissent la réputation de votre pays. »

Au cours de cette même rencontre de septembre 1998, après avoir averti Milošević que les actes des forces serbes au Kosovo enfreignaient le droit international, Paddy Ashdown a déclaré :

« J’ai personnellement dit à M. Milošević qu'il serait tenu responsable des actes entrepris et de cette politique, que cela entraînerait forcément sa mise en accusation devant ce Tribunal. ».

Paddy Ashdown a été l’un des premiers représentants de la communauté internationale à parler à Slobodan Milošević de crimes commis au Kosovo. Sa déposition fait partie des nombreux témoignages utilisés par l’Accusation afin de prouver que Slobodan Milošević avait connaissance des crimes que les forces sous son commandement commettaient contre les Albanais du Kosovo, ce qui constituait un des éléments juridiques nécessaires pour qu’il soit reconnu responsable des actes de ses subordonnés.

Au début de son témoignage, Ashdown a décrit ce dont il avait été témoin au cours de   deux séjours dans la région, en juin et septembre 1998. A la fin du mois de juin 1998,  son visa d’entrée au Kosovo ayant été refusé, c’est depuis des montagnes de la frontière albano-kosovare qu’Ashdown a pu observer des manœuvres militaires au Kosovo. En septembre  1998, il a passé trois jours dans cette province ravagée par le conflit.

Ashdown a déclaré que les forces serbes combattaient l’Armée de libération du Kosovo (l’ « ALK ») à l’aveugle et de manière démesurément brutale. Il a précisé que la population albanaise constituait la cible principale et  subissait le plus gros des attaques. La technique habituelle des Serbes consistait à enjoindre les civils de partir, puis à bombarder et détruire les villages. Il a affirmé que ce type d’opération était continu lors de sa visite au Kosovo, et mené par la police et les forces militaires, avec le soutien de chars, de blindés transporteurs de troupes et de l’artillerie lourde.

Lors de sa traversée du Kosovo occidental, Ashdown a vu des villages et des villes complètement rasés, désertés. Toutes les habitations avaient perdu leur toit après avoir été incendiées, il y avait des traces de tirs d’armes à feu, des trous d’obus. Des vaches en putréfaction dispersées dans les champs. Ashdown a aussi rencontré des Albanais du Kosovo qui avaient été sommés de quitter leurs villages et fuyaient en tracteurs, se protégeaient de la pluie sous des bâches en plastique, ou se cachaient dans les bois. Dans des régions d’Albanie frontalières avec le Kosovo, il a vu des réfugiés kosovars de tous les âges et des deux sexes, expulsés des régions de  Peć/Peje et Djakovica/Djakova, et victimes des attaques menées par les Serbes. Nombre d’entre eux avaient été blessés par des éclats d'obus, par des obus ou des balles; certaines personnes étaient malades ou à l'agonie.

Après sa visite au Kosovo, Ashdown s’est rendu à Belgrade pour rencontrer le Président Slobodan Milošević. Il lui a remis une lettre du Premier ministre britannique Tony Blair, exhortant le Président yougoslave à mettre un terme à l’usage excessif et indiscriminé de la force.

Ashdown a soumis à  Milošević le récit de son séjour au Kosovo. Il lui a dit que les actes des Serbes du Kosovo «  ne pouvaient être décrits autrement que comme des actes aveugles, punitifs,  visant à expulser des civils innocents de leurs propriétés, et ne pouvait être justifiés par une quelconque opération militaire… » Il a fait valoir à Milošević que les actions des forces serbes constituaient une grave entrave aux conventions de Genève et qu’au final c’était lui,  Milošević, qui en portait la responsabilité.

Milošević a tout d’abord totalement nié que de tels actes se produisaient au Kosovo. Poussé dans ses retranchements, il a toutefois concédé que c’était peut-être le cas, mais a ajouté qu’il n’en portait pas la responsabilité et qu’il prendrait les mesures nécessaires pour y mettre un terme et en punir les auteurs. Milošević a néanmoins déclaré que ce type de mesures était nécessaire pour lutter contre le terrorisme, et que chaque état avait le droit d’y avoir recours. Ashdown s’est dit d’accord sur le principe, mais a rejeté l’idée que ce qu’il avait vu au Kosovo pouvait être décrit comme une lutte légitime contre le terrorisme. « Je savais que ce genre de mesures ne détruirait pas le terrorisme. Elles ne feraient que créer plus de terrorisme ».  

A la fin de leur rencontre, il a mis Milošević en garde, en lui disant que si ces actes se poursuivaient au Kosovo la Communauté internationale n'aurait d'autre solution que de tenter d'intervenir sur place et qu’il serait jugé pour crimes de guerre.

Paddy Ashdown a été le chef du parti Libéral Démocrate, de 1989 à 1999. Il a pris sa retraite de la Chambre des Communes en 2001, a été fait chevalier de l’Empire britannique en 2000 et pair de la Couronne en 2001. En septembre 2002, il est devenu Haut Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, poste qu’il a occupé jusqu’en mai 2006.

Lire le témoignage complet de Paddy Ashdown du 14 mars 2002 et du 15 mars 2002.