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Poursuites et Procès

Une Division des poursuites, spécialement créée au sein du Bureau du Procureur, est responsable de la présentation des affaires devant le Tribunal. Il s’agit là de la tâche principale du Bureau du Procureur, avec les enquêtes. C’est bien sûr en salle d’audience que la culpabilité ou l’innocence de chaque accusé est finalement établie. C’est là que l’Accusation utilise le résultat des enquêtes pour obtenir la condamnation de ceux qui sont assis au banc des accusés.

La Division des poursuites du Bureau du Procureur, constituée d’une section des procès en première instance et d’une section des appels, compte des substituts du Procureur expérimentés venus de différents pays et ayant, pour la plupart, une longue expérience des affaires complexes portées devant les tribunaux nationaux.

Les procès en première instance du TPIY se déroulent devant trois juges indépendants. Il n’y a pas de jury. Les parties doivent principalement présenter des éléments de preuve aux juges. C’est à l’Accusation de prouver les allégations qu’elle formule, et il est possible que la Défense n’ait pas à présenter de moyens à décharge si les juges estiment que les moyens à charge ne sont pas suffisants pour établir la culpabilité de l’accusé.

À la fin de la présentation des éléments de preuve, la Chambre de première instance rend son jugement. Si l’accusé est déclaré coupable, les juges le condamne à une peine d’emprisonnement. Les deux parties ont le droit d’interjeter appel. L’Accusation interjette souvent appel non seulement lorsque l’accusé est acquitté de tout ou partie des chefs d’accusation, mais également lorsqu’elle estime que la peine est insuffisante. L’appel a lieu devant la Chambre d’appel du Tribunal.

Parfois, il n’est pas nécessaire de juger un accusé pour le déclarer coupable. C’est le cas lorsqu’il plaide coupable des chefs d’accusation retenus contre lui. En règle générale, les plaidoyers de culpabilité font suite à des accords sur le plaidoyer conclus entre l’Accusation et la Défense.

Équipe de l’Accusation

Dans chaque affaire, le Bureau du Procureur désigne une équipe chargée de le représenter pendant la phase préalable au procès et le procès. Cette équipe est composée d’un chef d’équipe – le premier substitut du Procureur, secondé par des substituts du Procureur, des juristes, un commis aux affaires et le personnel d’appui. Au sein de cette équipe, les décisions stratégiques et juridiques, notamment l’ordre dans lequel les témoins à charge sont appelés à déposer, sont prises par le premier substitut du Procureur, après consultation des autres membres de l’équipe.

En tant que chef d’équipe, le premier substitut du Procureur attribue des tâches aux membres de son équipe. À l’audience, les juristes de l’équipe sont chargés d’interroger les témoins à charge et de contre interroger les témoins à décharge. Ils sont également chargés de la préparation et du dépôt des documents, tels que les requêtes et les mémoires. Le commis à l’affaire et le personnel d’appui jouent un rôle essentiel pendant la phase préalable au procès et le procès en apportant à l’équipe de l’Accusation le soutien nécessaire pour que celle-ci puisse travailler efficacement.

Dans les procès à accusés multiples, l’équipe de l’Accusation peut compter plusieurs premiers substituts du Procureur.

Phase préalable au procès

La phase préalable au procès ou phase de mise en état est la période comprise entre la comparution initiale d’un accusé et le début de son procès. C’est une phase de préparation importante pour assurer, sous le contrôle du juge de la mise en état, un procès rapide et équitable.

Pendant cette période, l’équipe de l’Accusation rédige un mémoire préalable au procès, document qui donne un aperçu des éléments de preuve qu’elle entend présenter au procès concernant les crimes et la forme de responsabilité allégués. De nombreuses écritures sont présentées pendant la phase préalable au procès, tels que les demandes de constat judiciaire concernant des faits de notoriété publique ou des faits prouvés lors de procès antérieurs. Cela permet d’éviter de produire à nouveau des éléments de preuve ayant déjà été présentés et admis.

L’Accusation doit également fournir la liste des témoins qu’elle entend appeler à la barre. En conséquence, elle doit prendre d’importantes décisions concernant les témoignages les plus pertinents, d’autant que les juges imposent en général des restrictions quant au nombre de témoins et à la durée du procès. L’équipe de l’Accusation doit aussi décider si certains témoignages peuvent être présentés sous forme écrite comme le prévoit l’article 92 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal.

Pendant la phase préalable au procès, les parties doivent discuter ensemble d’un certain nombre de questions. Par exemple, l’Accusation est obligée de communiquer à la Défense les éléments de preuve de nature à disculper l’accusé. L’Accusation entame souvent des discussions avec la Défense pour s’entendre avec elle sur certains points qui ne sont pas contestés. Cela permet aux parties de se concentrer au procès sur les questions qui sont véritablement litigieuses.

Procès en première instance

Au TPIY, les procès en première instance se déroulent devant une Chambre de première instance composée de trois juges et sans jury. La Chambre de première instance constitue la juridiction du premier degré, la Chambre d’appel étant la juridiction supérieure.

La tâche de l’équipe de l’Accusation est difficile. Le principe fondamental de la présomption d’innocence l’oblige à prouver la culpabilité de l’accusé, ce qui explique pourquoi ses éléments de preuve et ses témoins sont souvent bien plus nombreux que ceux de la Défense. Pour les juges, la question n’est pas de savoir si les arguments de l’Accusation sont plus convaincants que ceux de la Défense. La question est de savoir si l’Accusation parvient à apporter des éléments de preuve suffisamment concluants pour que les juges soient convaincus de la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable.

Chaque procès débute par une déclaration liminaire de l’Accusation, dans laquelle le premier substitut du Procureur donne un aperçu de son argumentation. Cela dure généralement quelques heures. La plupart du temps, la Défense choisit de faire sa déclaration liminaire plus tard, après la présentation des moyens à charge.

Pendant le procès, les juristes du Bureau du Procureur appellent des témoins à la barre et les interrogent à l’audience afin de prouver, au-delà de tout doute raisonnable, la culpabilité de l’accusé. Le succès de tout procès dépend très largement de la volonté des témoins de venir témoigner. Il existe plusieurs catégories de témoins :

  • Les victimes ou les survivants : Les personnes que l’Accusation appelle à la barre ont pour la plupart survécu aux crimes, en ont été les témoins oculaires ou ont un lien de parenté avec des victimes. Ces personnes font preuve d’un courage inouï en venant témoigner car la plupart souffrent encore des séquelles physiques et psychologiques des atrocités qu’elles ont vécues. C’est pourquoi il est également important que le représentant de l’équipe de l’Accusation qui les interroge dans le prétoire gagne leur confiance et les aide à témoigner avec assurance et clarté. >> Paroles de victimes : leurs histoires et leurs témoignages au Tribunal   
  • Des témoins « bien placés » : De nombreux accusés ont occupé de hautes fonctions au sein du gouvernement, de l’armée ou de la police et sont mis en cause pour avoir planifié des crimes et donné l’ordre de les commettre. Les personnes qui faisaient partie du cercle de ces hauts responsables, et étaient donc « bien placées », peuvent témoigner au sujet des agissements et des intentions de ces derniers. Leur témoignage est souvent capital pour établir le degré de responsabilité des accusés.
  • Les témoins experts : Ces témoins donnent, sous serment, leur opinion éclairée, selon leur domaine de compétence, sur plusieurs sujets : doctrine militaire, structures politiques, droit applicable en ex-Yougoslavie, démographie, transactions financières et preuves rassemblées par la police scientifique. Ces témoins aident les juges à déterminer notamment les circonstances dans lesquelles les crimes ont été commis, l’autorité exercée par l’accusé sur ses subordonnés, l’identité et le nombre des victimes dont le corps a été retrouvé dans des charniers et le nombre de personnes tuées dans une région donnée.
  • Les témoins internationaux : Des diplomates ou officiers miliaires étrangers qui étaient en activité durant le conflit sont parfois appelés par l’Accusation, en particulier s’ils avaient eu des réunions avec des civils haut placés ou des militaires de haut rang. Ils peuvent par exemple être en mesure de prouver que le suspect avait connaissance de certaines atrocités ou opérations militaires.
  • Des auteurs de crimes : Un certain nombre d’accusés ont plaidé coupable de tout ou partie des chefs retenus contre eux et ont accepté de témoigner pour le compte de l’Accusation pour aider le Tribunal à établir la vérité. De tels témoignages peuvent être particulièrement importants, comme dans les cas de massacres où il n’y a pas eu de survivants.

La plupart des témoins déposent en audience publique, sans bénéficier de mesures de protection, mais le Règlement de procédure et de preuve du TPIY prévoit aussi des dispositions pour protéger les témoins en raison des situations délicates et potentiellement dangereuses dans lesquelles ils se trouvent parce qu’ils ont accepté de témoigner.

Les témoins déposent généralement directement dans la salle d’audience. Cependant, le Règlement permet également de recueillir un témoignage par voie de vidéoconférence et sous forme de déclaration écrite. L’Accusation a eu de plus en plus recours à cette solution ces dernières années afin que le procès soit moins long. Le témoin peut toutefois être contre-interrogé par la Défense dans le prétoire.

Les éléments de preuve documentaires jouent un rôle important dans la plupart des procès du TPIY, particulièrement dans les affaires concernant des accusés de haut rang. Des pièces à conviction telles que des ordres militaires, des rapports de police, des photographies et des enregistrements vidéo sont souvent produites comme éléments de preuve pendant le procès et sont examinées par les témoins concernés.

Les audiences se tenant souvent quatre à cinq jours par semaine, le rythme de travail des substituts du Procureur est extrêmement soutenu, car il est essentiel de préparer minutieusement l’interrogatoire de chaque témoin. En règle générale, les substituts du Procureur rencontrent les témoins avant leur déposition pour passer en revue le contenu de leur témoignage et se préparer en vue de leur comparution à l’audience. Cette pratique de « récolement des témoins » que certaines juridictions nationales autorisent et d’autres non, a toujours été acceptée au TPIY, et peut contribuer à un procès rapide et équitable. Elle se justifie d’autant plus que les témoins relatent généralement des événements qui se sont produits de nombreuses années auparavant et que le récolement avant l’audience peut les aider à se remémorer les faits.

À la fin de la présentation des moyens à charge, les juges peuvent prononcer l’acquittement de tout chef d’accusation s’ils estiment que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour justifier une déclaration de culpabilité, sans qu’il soit nécessaire de présenter d’autres éléments de preuve ou d’entendre l’argumentation de la Défense. Si les juges estiment que l’accusé pourrait être déclaré coupable, le procès se poursuit avec la présentation des moyens à décharge. L’accusé n’est pas tenu de réfuter les éléments de preuve à charge, mais l’équipe de la Défense appelle invariablement des témoins à la barre. L’accusé peut également témoigner sous serment dans son propre procès.

L’équipe de l’Accusation ne reste pas inactive pendant la présentation des moyens à décharge : les substituts du Procureur procèdent au contre-interrogatoire des témoins de la Défense dans le but de les discréditer ou de jeter le doute sur leurs déclarations. Il arrive même que le contre-interrogatoire des témoins de la Défense permette d’obtenir des informations établissant la culpabilité de l’accusé. Pendant la présentation des moyens à décharge, l’Accusation peut aussi se préparer à la présentation d’éléments de preuve en réplique, éléments de preuve supplémentaires présentés en réponse aux questions soulevées lors de la présentation des éléments de preuve à décharge.

À la fin de la présentation de moyens de preuve, le jugement est rendu et, en cas de déclaration de culpabilité, la peine qui s’impose est prononcée.

Appel

Les deux parties ont le droit d’interjeter appel des jugements et des autres décisions rendues par la Chambre d’appel, qui est, au Tribunal, la juridiction supérieure. L’Accusation interjette souvent appel non seulement lorsque l’accusé est acquitté de tout ou partie des chefs d’accusation, mais également lorsqu’elle estime que la peine est manifestement insuffisante.

En appel, le Bureau du Procureur est représenté par des juristes spécialisés de la section des appels, au sein de la Division des poursuites. En d’autres termes, les arguments en appel sont présentés par d’autres substituts que ceux de l’équipe du procès en première instance. Il y a de bonnes raisons à cela, la nature de la procédure d’appel étant très différente de celle du procès en première instance. L’appel est une procédure essentiellement écrite, et il s’agit pour la Chambre d’appel de déterminer si la Chambre de première instance a appliqué les critères juridiques qui conviennent et si elle n’a pas commis d’erreurs de fait.

L’équipe de l’Accusation en appel prépare également les réponses aux moyens d’appel soulevés par la Défense.

La procédure d’appel ne donne pas lieu à un nouveau procès. La Chambre d’appel ne réentend pas les témoins qui ont déposé lors du procès en première instance. Dans certains cas, néanmoins, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont découverts après le procès, elle peut autoriser la comparution d’autres témoins ou la présentation de nouveaux documents.

Après le procès en appel, la Chambre d’appel rend, par écrit, son arrêt dans lequel elle corrige toute erreur de droit ou de fait commise par la Chambre de première instance dans le jugement. La Chambre d’appel peut également rejeter tous les moyens d’appels et confirmer le jugement.

>> Les principales étapes d’un procès au TPIY